La voyageuse que vous allez découvrir, à travers l’interview qui suit, est très certainement celle qui a le plus sa place parmi les inscrites à Sourires Nomades. Sarah a en effet réalisé un tour du monde des concerts et des matchs gratuits grâce à son sourire. Mais plus qu’un simple défi, ces échanges ont aussi démontré que la générosité est partout, du moment que l’on est disposé à la recevoir. Une démarche vagabonde qui en séduira plus d’un. Pour ma part, j’adhère et j’adore. Bonne lecture.
Peux-tu nous parler du fil rouge de ton tour du monde : un billet gratuit pour un sourire ?
Tout a commencé en septembre 2008. Je voulais aller voir Coldplay en concert mais j’étais à découvert et je ne pouvais pas acheter un billet. Du coup, je me suis pointée devant Bercy avec une pancarte où j’avais écrit « Cherche une place gratos en échange d’un sourire ». J’étais convaincue qu’à défaut d’avoir de l’argent, si je trouvais une idée originale, surprenante et qui fasse rire les gens, et bien je trouverais quelqu’un pour me donner un billet. Il y a toujours des gens qui ont des billets en plus quand ils vont à un concert. Que ce soit celui d’un ami qui n’a pas pu venir, ou des invitations en trop… Et ça a marché !
Tellement bien que j’ai recommencé les mois suivants pour plein d’autres concerts à Paris. Puis à Londres, en version « French girl gives a smile for a free ticket ». Succès également. Du coup, quand j’ai décidé de partir faire le tour du monde (novembre 2009), en me disant que ça pourrait être une bonne idée de « tester » ce concept dans chaque pays que je traverserais. J’ai donc tracé les grandes lignes de mon voyage en fonction de concerts ou événements que je tenais absolument à voir.
Quelle a été ta rencontre la plus forte dans ce tour du monde ? Une personne en particulier qui t’as marqué peut-être ?
La rencontre la plus forte, c’était mon ami Leon, un mec des îles Samoa, que j’ai rencontré en Antarctique. J’ai fait une croisière de onze jours là-bas, sur un brise-glace, au départ d’Ushuaïa. Quelqu’un d’incroyable ! D’une originalité et d’un enthousiasme complètement dingue. Nous nous sommes revus à Hong Kong, puis à Londres et loupés à Malte à un jour près. C’était une autre sorte de fil rouge dans mon voyage… Voir dans quel pays/continent suivant nos chemins allaient se croiser puisque c’était quelqu’un qui voyageait beaucoup. Il est malheureusement décédé brutalement cette année et son départ a jeté une ombre indélébile sur tout mon voyage. J’irai à Samoa un jour pour le voir une dernière fois.
Quel pays a été le plus souriant durant ce périple ? Et ta mésaventure en Argentine ne te pas trop refroidit par la suite ?
Souriant pour le succès avec mes recherches de billet gratuit tu veux dire ? Je dirais que le pays où ça a le mieux marché, ça a été l’Afrique du Sud, pour le Mondial de foot. J’ai essayé de voir six matches, et j’en ai vu quatre, dont la finale ! A chaque fois, ce sont des sud-africains qui m’ont donné mes billets, et ils trouvaient le concept amusant et sympathique. J’ai eu plus de difficultés dans des pays comme l’Angleterre ou le Brésil, ou le rapport à l’argent n’est pas le même, et des fois, je rencontrais un peu d’hostilité ou d’incompréhension face au concept de donner quelque chose de gratuit.
Pour l’Argentine, mon objectif était de voir un match de foot, Boca Junior – River Plate. Et j’ai eu un souci parce que le mec qui avait promis de me donner un billet gratuit m’a en fait donné un faux billet et surtout il m’a volé mon appareil photo. Après, j’ai eu quelques ennuis avec des mecs devant le stade, et je ne me sentais pas super en sécurité… Ca ne m’a pas refroidit pour la suite, mais j’en ai tiré une bonne leçon: le public qui va voir un match de foot n’est le même que pour les concerts genre U2 ou Coldplay.
As-tu gardé des contacts avec tes généreux donateurs ? Tu penses les revoir un jour ?
Pas beaucoup en fait. Quelques échanges de mail avec certains qui me demandaient de leur envoyer des photos du concert ou du match. C’est un peu comme quand on fait de l’auto-stop ou du couchsurfing, ce sont souvent des bons moment partagés dans l’instant, mais après chacun reprend sa route. Je suis par contre toujours en contact avec un Irlandais qui m’avait offert un billet pour U2 à Cardiff, au Pays-de-Galles.
Cette belle idée a fait des émules je crois ? Ont-ils eu le même succès que toi ?
…et le truc rigolo justement, c’est que cet Irlandais a justement tenté de faire la même chose. Il est venu à Paris pour voir U2 et s’est fait une pancarte. Malheureusement ça n’a pas marché pour lui. Mais sinon, d’autres ont eu plus de succès. Un Allemand que j’avais rencontré au Chili a vu Metallica à Santiago. Stéphane, que j’avais rencontré au Brésil a vu les Red Hot et Shakira à Rio de Janeiro. Je pourrais aussi citer Adrien, qui s’est inspiré de mon idée en offrant un air d’accordéon et a pu assister à la demi-finale de la Coupe du monde de rugby à Auckland. Et puis il y a encore Lucie, qui a vu la cérémonie d’ouverture des JO à Londres. On lui a donné un billet à 1.600 pounds (plus de 2.000 euros). J’y étais aussi d’ailleurs à l’ouverture des JO, avec mon amie Emily. Et on a trouvé nos billets. Trois « smiling french girls » pour trois free tickets ! Je trouve ça chouette si ça peut inspirer d’autres gens.
Que retiens-tu d’une telle expérience ?
Ce qui m’a toujours motivée, dans ces « chasses au billet gratuit », ce n’est pas de ne pas dépenser d’argent. C’est le défi d’essayer quelque chose qui sorte de l’ordinaire et c’est un super prétexte pour aller à la rencontre des gens. Je m’amuse beaucoup à chercher mon billet, discuter avec un peu tout le monde devant le stade. Même s’ils n’ont pas de billet à m’offrir, je suis toujours ravie de leur raconter mon histoire, mon tour du monde, l’esprit de ma démarche… Et c’est un plaisir aussi de voir un concert ou un match avec un(e) inconnu(e) qui choisit de m’offrir un billet parce qu’il a trouvé cette idée de pancarte amusante. Et le fait de ne pas échanger d’argent, c’est ça qui contribue justement à créer une relation, un échange humain. C’est le problème de notre société, où quasiment tous les échanges sont régulés par l’argent, au détriment de l’aspect humain. Je me souviens de super moments… Avec un Canadien pour U2 à Wembley qui était fan du groupe depuis 30 ans et qui m’a raconté toute l’histoire de Bono… Avec un Ecossais à l’Hampden Park de Glasgow qui me faisait revivre toute l’histoire du foot écossais.
Que représente pour toi le sourire en général et particulièrement en voyage ?
Le sourire, c’est une manière d’aborder la vie. Et quand on sourit à la vie, le vie nous sourit aussi, c’est magique ! Il y a un truc que j’ai remarqué. Quand on est naturellement souriant, les gens qu’on rencontre, le sont aussi. C’est un réflexe humain, de répondre à un sourire par un sourire. C’est communicatif. Rien ne m’exaspère plus que les gens qui se plaignent en disant que les autres font la gueule… C’est juste que quand on fait la gueule, et bien si on s’adresse à quelqu’un, il y a de forte chance qu’il fasse la gueule aussi…
En voyage, le gros avantage du sourire, c’est qu’il est universel. Il est des fois difficile de communiquer dans un pays où on parle pas du tout la langue. Même la langue des signes est codée culturellement et varie beaucoup en fonction des pays. Seul le sourire reste…
Es-tu une adepte de la positive attitude dans la vie de tous les jours ? Une philosophie de vie pour toi ?
Oh je peux avoir mes moments de blues aussi hein… Mais j’ai confiance en l’avenir, et confiance en les gens. J’ai toujours l’impression que les choses vont bien se passer et j’imagine rarement le pire. Il y a toujours une solution. Je travaille avec des contrats à durée déterminée (et c’est un choix) car ça me permet de garder ma liberté, de pouvoir continuer à voyager entre deux contrats. Je vis dans le présent, et ne me dis pas que je profiterai de la vie quand j’aurais ci ou ça/ ou fait ceci ou cela… Car de toutes manières, on se sait jamais quand tout ça s’arrêtera… Alors autant en profiter au maximum.
Quand repars-tu ? Ou ça ? et le sourire sera-t-il toujours ton fil rouge ?
Je repars en novembre-décembre. Mais pour l’instant je ne sais pas encore où… Plusieurs idées comme Cuba ou la Colombie… Mais ça sera peut-être complètement autre chose ! J’aime bien improviser, partir à l’aventure. En général, j’ouvre le Lonely Planet pour la première fois une fois que je suis dans l’avion. Pour la pancarte « un billet gratuit en échange d’un sourire », je ne sais pas si je continuerai en fait… Je l’ai beaucoup fait ! Alors je vais peut-être faire une pause ou trouver une idée pour diversifier le concept. Mais mon sourire sera toujours là de toutes manières. Avec ou sans pancarte !
Merci Sarah pour toutes ces réponses. Et promis, si un jour je suis invité chez toi, je ne ramène pas de cadeau mais juste mon sourire 😉
++ Pour en savoir encore un peu plus, découvrez la fiche Nomade de Sarah