Les vaches sacrées en Inde, voilà un sujet qui revient en permanence lors de nos discussions sur notre voyage. Je vais donc tenter d’éluder la question le plus simplement possible et mettre fin aux récurrentes interrogations sur cet «amour vache».
Pour commencer, soyons clair, en Inde les vaches sont partout : en ville, au milieu d’une circulation démentielle ou encore allongées sur une route de campagne. Cette liberté n’est qu’apparente puisqu’elles ont bien chacune un propriétaire.
Pendant 3000 kilomètres, cet animal a été le fil rouge de notre périple. Les rencontres ont été nombreuses mais avec toujours cette curieuse impression de croiser la même vache à chaque fois.
Docile et placide, la vache indienne reste d’une tranquillité déconcertante quelque soit son environnement. Ce décalage, entre l’hyperactivité citadine et la nonchalance de son allure, m’a très souvent fait sourire. En référence au Tex Avery de mon enfance, lorsqu’une vache coupait notre route, j’espérais secrètement un bref regard de sa part, accompagné d’un petit «I’m happy» comme un air de Droopy ! 😉
Plus sérieusement, on peut légitimement se demander d’où vient cette tradition de la vache sacrée ?
Sans refaire l’histoire religieuse et culturelle indienne, on peut dire que les Hindous ont toujours considéré la vache comme le symbole de la vie, de l’abondance et de la fertilité. Pour autant, elle n’est pas déifiée et aucun temple en Inde ne lui est consacré. Par contre elle occupe, depuis des millénaires, une place à part entière au sein du cercle familial. Dans les campagnes, la naissance d’un veau est fêtée comme celle d’un enfant, et le lait qu’elle produit lui confère le statut de mère nourricière du peuple.
Les vaches peuvent parfois créer de sérieux bouchons en ville. Certains chauffeurs descendent de leur véhicule et invitent ces «dames» à se ranger sur le bord de la route.
Si au fil du temps cette spiritualité est restée pérenne, c’est avant tout parce que la vache sacrée est une ressource à préserver :
– Ses produits sont d’un grand bénéfice pour son propriétaire : lait, yaourt, beurre sont utilisés pour l’alimentation, la bouse comme engrais et combustible, ou encore l’urine comme remède à certaines maladies.
– Autre avantage, seule la vache peut donner naissance aux futurs bœufs, indispensable moyen de transport ou de trait pour une agriculture encore traditionnelle.
– Quand elles meurent de cause naturelle, la tradition du culte de la vache assure que la viande arrivera dans l’assiette des plus pauvres et des plus affamés. Par ailleurs, certaines castes utilisent leur peau pour en faire des objets en cuir.
– Enfin, la vache ne concurrence pas l’homme sur le plan alimentaire. Elle mange peu de végétaux réservés aux humains et ingurgite même de nombreux détritus.
Tous ces éléments rendent cet animal indispensable au quotidien d’une famille indienne.
Mais alors, pourquoi cet animal n’est-il pas exploité pour sa viande ?
La réponse est mathématique. En occident, trois-quarts des terres cultivables sont utilisées à la seule production de nourriture pour bétail. Si l’Inde appliquait cette même politique, il n’y aurait pas assez de terres cultivables réservées aux denrées humaines. Ce pays ne pourrait donc pas s’alimenter comme aujourd’hui.
Le sujet des vaches sacrées illustre parfaitement la problématique indienne d’aujourd’hui. Entre modernisme et tradition, religion et économie, comment un pays de plus d’un milliard d’habitant peut-il évoluer sans laisser une grande partie de sa population dans la pauvreté ?
Je vous invite d’ailleurs à regarder ce reportage de France 24 sur les vaches sacrées à New Delhi. Il dévoile cette contradiction entre les conséquences d’une omniprésence de la vache en ville, et l’importance spirituelle et matérielle de cet animal pour les familles indiennes.
Les vaches sacrées seront-elles toujours les bienvenues dans la société indienne ? Je vous laisse méditer sur la question, mais quoi qu’il arrive ne perdez pas le sourire, c’est sacré ! 🙂
VIDÉO – REPORTAGE France 24: