Ingénieur en informatique de formation, Jean-Luc Nguyen dirigeait jusqu’à l’année dernière, une petite entreprise lancée en 2006. Une vie trop normée et ennuyeuse à son goût, une envie d’évasion, une soif d’aventure, ont eu raison de sa sédentarisation. Après quelques mois de réflexion, il décide de fermer sa société, vendre son appartement et se lancer dans un tour du monde.
Un virage à 180° qui l’a notamment amené au Cambodge, pays qui l’a particulièrement touché. Au contact des enfants de la Learning Foundation, Jean-Luc a porté un nouveau regard sur le monde, il souhaite aujourd’hui les aider en lançant l’opération «Lunettes pour les Enfants du Cambodge».
1 – Bonjour Jean-Luc, comment se sont passés tes débuts de «tourdumondiste» ?
Au moment de ma décision, je commençais à me passionner pour la réalisation vidéo et mon but était de tenir un blog sur lequel je partagerai des anecdotes, des histoires qui amusent ou surprennent. J’ai donc publié près de 40 vidéos depuis février 2011. Aujourd’hui, je continue à voyager et en parallèle, je vais lancer de nouveaux projets, plusieurs dans l’humanitaire et un autre professionnel. Le tourisme c’est bien, mais on finit par se lasser. Les projets, c’est ce qui entretient l’excitation et la motivation !
2 – Peux-tu nous parler du Cambodge et de la Learning Foundation ?
J’avais prévu de rester seulement 10 jours au Cambodge pour y visiter les temples d’Angkor. J’y suis resté 4 mois. Dans le Lonely Planet, le peuple cambodgien est classé en seconde position dans leur Top 10 . Habituellement, ils citent plutôt des sites touristiques, des temples, etc… Dès que je suis arrivé à Siem Reap, j’ai compris pourquoi. Les gens étaient d’une gentillesse extrême, plus que les monuments les Cambodgiens restent le coup de cœur de mon voyage.
J’ai aussi fait un peu de bénévolat dans un orphelinat ACODO (Assisting Cambodian Orphans and the Disabled Organization). Étant Français, je ne me sentais pas assez confiant pour enseigner l’anglais aux enfants. Mais je voulais quand même aider. Alors j’ai commencé à documenter la vie de l’orphelinat sous forme de vidéos. Les enfants adoraient se voir et je me sentais utile.
Un ami m’a demandé de réaliser une vidéo pour une école où il était lui-même bénévole : la Learning Foundation. Cette fondation a été créée par une famille canadienne, et chaque année, ils financent la scolarité de 200 à 250 enfants de primaire : stylos, cahiers, salaires des professeurs. Ils vont jusqu’à faire du micro-financement puisqu’ils prêtent également de l’argent aux parents des enfants scolarisés pour qu’ils puissent avoir leur petite entreprise.
La Learning Foundation enseigne l’anglais à ces enfants dès le CP, ce qui leur assurera un avenir certain. Le tourisme à Siem Reap explose et toutes les entreprises du tertiaire (restaurants, guide touristiques…) ont besoin de compétences en anglais.
3 – Qu’as tu découvert au contact de ses enfants ?
A ACODO, j’étais d’abord surpris par la solidarité entre enfants. 70 y cohabitent.
Ces enfants sont orphelins, issus de familles monoparentales, ou extrêmement pauvres (familles avec parfois plus de 7-8 enfants). Et ce qui m’a tout de suite marqué, c’est l’entente entre tous. Ils ne se disputaient jamais. Personne n’était exclu ou mis à l’écart à cause de ses différences. Je me souviens d’une petite fille sourde et partiellement aveugle qui, malgré son handicap, jouait avec tous les autres. Ils formaient une véritable famille et ça faisait chaud au cœur de voir qu’ils avaient une seconde chance grâce à cet orphelinat.
Ces enfants se produisent tous les soirs dans un spectacle pour touristes dans le but de récolter des dons. Et je crois que le fait de partager cette activité artistique ensemble est bénéfique. Ce spectacle permet de créer des liens, faire des choses en équipe, et donc d’apprendre à travailler en groupe. L’art est utilisé comme un moyen pour unir.
De manière générale, je constatais que les enfants mais aussi les adultes semblaient heureux. En tout cas, ils avaient toujours un énorme sourire et rigolaient beaucoup. Pourtant, la majorité des familles ne gagne pas plus de 50 USD / mois, vivent dans des maisons qui ressemblent plus à des petits abris de fortune. J’avais souvent entendu le dicton « l’argent ne fait pas le bonheur », mais c’était la première fois que je le voyais de mes propres yeux : la joie de vivre une vie simple, en communauté.
4 – Peux-tu nous parler de ton projet pour ces enfants ?
Aujourd’hui, mon projet est de les remercier. Ils m’ont permis de comprendre des choses sur ma propre vie, sur mes priorités.
Et puis, j’ai remarqué qu’aucun de ces enfants ne portaient de lunettes. Au départ, je me suis demandé s’ils avaient tous une vue parfaite. Mais je suis vite arrivé à la conclusion qu’ils n’avaient surtout pas les moyens de s’ en acheter. Une paire doit surement représenter plusieurs mois de salaires pour leurs parents. Étant moi-même myope, je n’imagine pas ma vie sans lunettes. J’ai donc lancé un appel aux dons pour redonner la vue à ces enfants, qui ont ouvert mes yeux.
5 – Pour médiatiser ton opération, tu as réalisé un lipdub (à voir ci-dessous). Comment est née cette idée ? Quelles difficultés as-tu rencontré ? Quels souvenirs gardes-tu ?
En arrivant au Cambodge, j’ai tout de suite voulu réaliser une vidéo parlant de la gentillesse du peuple cambodgien. Mais je voulais trouver une façon originale et amusante de le faire. A la Learning Foundation, j’ai vu ces 300 enfants pleins de joie, le temple d’Angkor juste à proximité, j’ai tout de suite pensé à faire un «lipdub». Des enfants si mignons avec un décor que des millions de touristes viennent visiter chaque année, on était sûr d’avoir un hit !
L’idée était simple, mais la réalisation plus difficile. On a rencontré tout type de problèmes sur le tournage : l’impossibilité de communiquer avec les enfants qui ne parlaient que khmer et un tout petit peu anglais. Le fait d’être en sous effectif pour gérer 300 enfants. Le peu de temps qui nous a été accordé pour préparer tout l’événement.
Mais j’en retiens surtout les bons moments. La joie des enfants lorsqu’ils se sont vus à l’écran, les moments de fou rire sur le tournage et le fait d’avoir partagé ce moment privilégié avec eux. Ils ont ainsi découvert une nouvelle activité tout en s’amusant.
6 – Souhaites-tu monter une association pour mettre en place d’autres projets par la suite ?
La seconde, ce serait de monter une plateforme de financement participatif destinée à récolter des fonds pour des projets liés aux enfants. Qu’on veuille emmener une classe au théâtre, en sortie éducative ou pour acheter du matériel éducatif, chaque internaute pourrait faire un don pour un projet qu’il souhaite soutenir.
7 – Quelle sera ta prochaine destination et pourquoi ? Tu souhaites peut-être t’installer définitivement au Cambodge ?
Pour l’instant, je ne peux pas vraiment répondre à ta question. Je souhaite avoir un aperçu d’autres continents que je n’ai encore visité : l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Australie. Je ne prévois jamais un itinéraire ni la durée de mon séjour. J’arrive dans un nouveau lieu, et lorsque je pense ne plus rien avoir à y faire, je continue mon chemin, en direction du pays qui me tente sur le moment. Mais le Cambodge est vraiment mon coup de cœur et j’ai effectivement envisagé d’aller m’y installer pour un moment.
+ Merci Jean-Luc pour ces réponses et bravo pour ton initiative. Je suis certain qu’il donnera le sourire et surtout une bonne vue à beaucoup d’enfants.
Allez-y les nomades, soutenez le projet « Lunettes pour les Enfants du Cambodge« .